De la loi Grenelle 2 à la loi ELAN
Commençons notre guide sur le décret tertiaire par ses origines. Pour cela, il faut remonter à la loi Grenelle 2¹. En juillet 2010, cette loi introduisait une ambition majeure : définir les obligations concernant la rénovation des lieux tertiaires. Ces obligations se traduisaient par la promesse de travaux de rénovation dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012. Cependant, pour diverses raisons budgétaires, ce décret ne verra pas le jour sous l’administration Sarkozy. Le décret tertiaire attendra encore pour être opérationnel.
Par la suite, la loi ELAN, promulguée fin 2018, viendra consolider et renforcer ce cadre. Cette loi inscrit au Code de la construction et de l’habitation une obligation claire et ambitieuse : réduire la consommation énergétique des bâtiments tertiaires.
L’évolution avec la Loi de Transition Énergétique
L’année 2012 marque un tournant. Suite à l’élection de François Hollande, le sujet de la transition énergétique est remis sur le devant de la scène. En 2015, la Loi relative à de transition Énergétique pour la croissance verte² a pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les consommations énergétiques des bâtiments. Cette loi établit également la nécessité de fixer un objectif intermédiaire tous les dix ans, rendant le décret tertiaire d’autant plus attendu. Ce dernier, censé définir les objectifs à atteindre d’ici 2020, est finalement publié en 2017, quelques jours avant la fin du mandat présidentiel de François Hollande.
Date d’entrée en vigueur
Bien que le décret tertiaire ait été introduit en 2017, il connaîtra une suspension rapide. Le Conseil d’État décide en effet de suspendre partiellement le décret de rénovation tertiaire le 29 juin 2017 pour finalement le suspendre totalement deux mois plus tard. Il sera reproché au décret une mise en œuvre trop rapide, ne laissant pas le délai adéquat aux professionnels du secteur immobilier pour se préparer. Cependant, un second décret, du 23 juillet 2019, relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, entrera officiellement en vigueur. Ce parcours tumultueux démontre la complexité et les enjeux associés à l’élaboration d’une telle réglementation.
Évolutions depuis l’entrée en vigueur
Depuis cette mise en vigueur, le décret tertiaire est devenu un outil incontournable pour toutes les entreprises du secteur tertiaire. Sa mission ? Détaillez les modalités d’application de la Loi de Transition énergétique pour les bâtiments à usage tertiaire. Il impose une réduction progressive des consommations énergétiques, avec pour objectif une économie de 60% d’énergie finale à l’horizon 2050.
Critères de surface
Comme vu précédemment dans ce guide, le décret tertiaire met en place des exigences spécifiques pour la consommation énergétique des bâtiments. Mais quels sont ceux concernés par cette régulation ? La règle est assez claire : ce sont les lieux à usage tertiaire ayant une surface d’exploitation supérieure ou égale à 1 000 m².
La superficie peut être cumulative. Ainsi, si un bâtiment héberge plusieurs entreprises ou si un site comprend plusieurs bâtiments, la somme de leurs surfaces est prise en compte pour déterminer l’éligibilité au décret.
La règle est assez claire : les lieux concernés par le décret sont ceux à usage tertiaire ayant une surface d'exploitation supérieure ou égale à 1 000 m².
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Types d’activités touchées
L’objectif principal du décret est de s’attaquer à la consommation énergétique des lieux tertiaires. Par conséquent, il englobe une gamme étendue d’activités tertiaires. Cela inclut, entre autres :
Les propriétaires, qu’ils soient occupants ou non, les bailleurs, et les locataires, sont tous concernés par le décret tertiaire, et ils ont la responsabilité de se conformer à ses obligations, selon les dispositions contractuelles en vigueur entre eux.
Comme toute règle, le décret tertiaire a ses exceptions. Certains lieux, malgré leur utilisation ou leur taille, sont exemptés de ces obligations énergétiques. Les constructions provisoires en font partie. Par ailleurs, pour des raisons évidentes de respect des valeurs culturelles et patrimoniales, les lieux de culte ne sont pas soumis au décret. De même, les bâtiments à usage opérationnel de défense, ceux liés à la sécurité civile et à la sûreté intérieure, ne sont pas concernés.
Ces exceptions sont essentielles à comprendre car, même si un bâtiment remplit les critères de surface et d’activité du décret, il pourrait toujours être exempté en raison de sa nature ou de son usage spécifique.
Les centres commerciaux sont l'un des des types de bâtiments concernés par le décret tertiaire.
Objectifs à court et long terme
Poursuivons notre guide sur le décret tertiaire. Celui-ci a été mis en place avec un objectif clair : promouvoir la transition énergétique en réduisant la consommation d’énergie des bâtiments tertiaires. Les objectifs de réduction sont clairement définis sur plusieurs horizons :
Ces objectifs décennaux sont mis en place pour donner aux entreprises une vision claire de la trajectoire à suivre et permettre une mise en œuvre progressive des actions nécessaires.
Le décret tertiaire propose deux méthodes principales pour calculer et respecter les objectifs de réduction de consommation énergétique :
Méthode relative
Cette approche se base sur une réduction en pourcentage par rapport à une année de référence. C’est cette méthode qui est à l’origine des objectifs décrits précédemment pour 2030, 2040 et 2050. L’année de référence ne peut pas être antérieure à 2010 et correspond à la consommation finale du bâtiment constatée pour une année pleine d’exploitation.
Méthode absolue
Ici, on parle de cibles de consommation en valeur absolue (en kWh/m²/an) basées sur la consommation des nouveaux bâtiments. Ces cibles sont déterminées en fonction de chaque catégorie d’activité et ont été précisées au travers de divers arrêtés, notamment les arrêtés « Valeurs absolues I et II ».
Le choix de la méthode est crucial, car il influencera la stratégie à adopter pour se conformer au décret.
Ajustements et spécificités
Conscient que chaque bâtiment et entreprise a ses particularités, le décret tertiaire a prévu des modalités d’ajustement. Une campagne de mesure et des modélisations peuvent être réalisées pour ajuster la consommation énergétique de référence. Les variations climatiques peuvent également faire l’objet d’ajustements des données de consommation.
En outre, des modulations d’objectifs peuvent être envisagées face à des contraintes d’ordre technique, architectural, patrimonial, ou si le coût d’investissement semble disproportionné par rapport aux économies d’énergie attendues. Ceci assure une certaine flexibilité dans l’application du décret tout en gardant le cap sur les ambitions de réduction de la consommation énergétique.
La mutualisation des économies d’énergie est possible. Cela signifie que la surperformance d’un bâtiment peut compenser la sous-performance d’un autre. Cela donne une marge de manœuvre supplémentaire aux entreprises ayant plusieurs locaux assujettis au décret.
Utilisation de la plateforme OPERAT
Abordons désormais dans ce guide consacré au décret tertiaire la plateforme OPERAT. Celle-ci joue un rôle essentiel pour assurer le suivi et la conformité. Gérée par l’Agence de la transition écologique (ADEME), cette plateforme est l’outil officiel où les entreprises doivent déclarer leurs consommations énergétiques.
Ainsi, chaque entité concernée par le décret est tenue de fournir des informations clés sur la plateforme, telles que :
L’un des avantages d’OPERAT est sa capacité à ajuster automatiquement les consommations en fonction des variations climatiques. En outre, elle calcule les émissions de gaz à effet de serre associées à ces consommations. Une attestation est ensuite émise chaque année, permettant de suivre l’évolution de la conformité à travers une notation Éco Énergie Tertiaire.
Fréquence et contenus
Depuis 2022, la fréquence de déclaration sur la plateforme est annuelle. Les propriétaires et locataires de bâtiments tertiaires doivent, chaque année avant le 30 septembre, déclarer leurs consommations d’énergie pour l’année précédente. La responsabilité de cette déclaration repose généralement sur les propriétaires et les preneurs à bail, bien qu’elle puisse être déléguée à un prestataire privé ou aux gestionnaires de réseaux.
Implications du non-respect
Le décret tertiaire n’est pas simplement un ensemble de recommandations. Il possède un volet réglementaire strict, avec des sanctions en cas de non-conformité.
Si une entreprise omet de transmettre ses données sur la plateforme OPERAT, une mise en demeure lui sera adressée. Elle aura alors 3 mois pour corriger cette omission. Si cette mise en demeure reste sans effet, l’État prendra la mesure de publier cette information sur un site officiel, rendant publique la non-conformité de l’entité.
Au-delà du simple rapport de consommation, si l’entreprise ne parvient pas à respecter les objectifs décennaux du décret, elle sera à nouveau mise en demeure et aura 6 mois pour proposer un plan d’action adapté. En l’absence de mesures correctives, le nom de l’entreprise sera publié sur un site officiel.
Montants des amendes
Le non-respect des obligations entraîne également des sanctions financières. Pour une personne physique, l’amende est fixée à 1 500€. Pour une personne morale, l’amende s’élève à 7 500€. Ces montants soulignent l’importance que le gouvernement accorde à la transition énergétique et à la nécessité pour les entreprises de s’y conformer.
Nous avons pu le voir dans ce guide, le décret tertiaire est plus qu’une simple réglementation. Il s’agit d’un appel à l’action pour les entreprises, les incitant à prendre des mesures concrètes pour réduire leur consommation. Heureusement, il existe de nombreux leviers à leur disposition pour y parvenir.
Mesures d’efficacité énergétique
L’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments est la première étape vers la conformité. Un audit est souvent recommandé comme point de départ. Il permet d’identifier les zones où la consommation est la plus élevée et de définir des pistes d’amélioration. À partir de ces données, des actions concrètes peuvent être mises en place pour optimiser l’utilisation de l’énergie.
Installation d’équipements
L’utilisation d’équipements performants est essentielle pour atteindre les objectifs fixés par le décret tertiaire. Cela peut inclure des systèmes de chauffage, de ventilation ou de climatisation plus efficaces, ou des dispositifs de contrôle et de gestion active des appareils. Pour certaines entreprises, l’installation d’un système de Gestion Technique du Bâtiment (GTB) peut s’avérer bénéfique. Elle permet une surveillance et une gestion efficaces des équipements, favorisant ainsi des économies d’énergie.
Sensibilisation des occupants
L’engagement des occupants des bâtiments est crucial. En adoptant des écogestes au quotidien ou en étant sensibilisés à l’importance de la réduction de la consommation, ils peuvent contribuer de manière significative à la réalisation des objectifs. La mise en place d’un système de management de l’énergie, par exemple, engage toute l’entreprise dans une démarche collective d’efficacité énergétique.
Pour encourager les entreprises à se conformer au décret tertiaire, plusieurs aides et soutiens sont mis à leur disposition.
Aides financières
Les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) sont l’un des dispositifs d’aide financière à disposition des entreprises. Ces subventions peuvent contribuer à financer des travaux de performance énergétique et le renouvellement d’équipements. Selon la nature des projets, ils peuvent couvrir jusqu’à 100% de l’investissement.
Partenaires et accompagnements
Il est essentiel pour les entreprises de s’entourer de partenaires compétents qui peuvent les guider dans leur transition énergétique. Des organismes spécialisés offrent des conseils sur la priorisation des investissements, identifient les aides financières disponibles et fournissent des solutions adaptées à chaque secteur. Ces partenariats peuvent faciliter la mise en conformité avec le décret tertiaire et permettre aux entreprises de réaliser des économies tout en atteignant leurs objectifs énergétiques.
Comme nous l’avons déjà perçu précédemment dans ce guide, le décret tertiaire n’est pas seulement une réponse aux défis écologiques actuels. Il façonne également l’avenir, offrant une direction claire pour le secteur tertiaire et, plus largement, pour toute la société. Anticiper ce que réserve l’avenir grâce à ce décret est essentiel pour les entreprises et les acteurs concernés.
La mise en œuvre du décret tertiaire ne s’arrête pas à sa promulgation. Plusieurs évolutions réglementaires sont à prévoir. Par exemple, une attention particulière est portée sur le calendrier d’application du décret. Le Ministère de la transition écologique a déjà mis en avant certaines modifications du calendrier, dont le report au 31 décembre 2022 pour la publication des données de consommation de chaque site concerné par le dispositif, ainsi que les étapes de déploiement de la plateforme OPERAT.
Implications pour le secteur
Le décret tertiaire a des implications profondes pour le secteur tertiaire. Il ne s’agit pas seulement de respecter une réglementation, mais aussi de participer activement à la transformation énergétique de la France. Les bâtiments tertiaires, en raison de leur consommation importante, jouent un rôle clé dans la réalisation des objectifs nationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Vision à long terme
Le décret tertiaire s’inscrit dans une vision à long terme de la transition énergétique. Il encourage les entreprises à adopter une approche proactive, non seulement pour répondre aux exigences immédiates, mais aussi pour s’aligner sur les aspirations futures en matière d’économie d’énergie. En anticipant les défis et en reconnaissant les opportunités, les entreprises peuvent se positionner avantageusement pour l’avenir, tout en apportant une contribution significative à la transition énergétique du pays.