La souveraineté énergétique représente un enjeu important pour la France, touchant à la fois à l’indépendance, à l’autonomie, et à la capacité de prendre des décisions souveraines dans le domaine de l’énergie. Cette notion englobe la sécurisation des approvisionnements en énergie, la maîtrise des technologies énergétiques, et la capacité à définir un mix énergétique adapté aux besoins nationaux tout en respectant les engagements climatiques internationaux. La clarification de ces termes est essentielle pour comprendre les ambitions et les défis auxquels la France doit faire face pour assurer son autonomie énergétique tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique.
L’autonomie énergétique terme fait généralement référence à la capacité d’un pays à produire la totalité ou une grande partie de son énergie à partir de ses propres ressources, souvent en mettant l’accent sur les sources renouvelables. L’indépendance énergétique est un concept plus large qui inclut non seulement la production d’énergie, mais aussi la sécurité énergétique et la capacité d’un pays à se protéger contre les perturbations extérieures dans l’approvisionnement énergétique.
La souveraineté énergétique se heurte à divers défis géopolitiques et environnementaux, notamment les tensions internationales pouvant affecter les approvisionnements en énergie, les impératifs de la transition énergétique visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et la nécessité d’intégrer les énergies renouvelables dans le mix énergétique. Ces enjeux soulignent l’importance d’une stratégie énergétique robuste et adaptative, capable de sécuriser les approvisionnements tout en favorisant un développement durable.
Suite au choc pétrolier de 1973 et l’envolée du prix du baril, la France s’engage dans une politique du « tout-nucléaire » pour trouver une solution à la crise énergétique. Une orientation concrétisée par le Plan Messmer, du nom du Premier Ministre en fonction, Pierre Messmer¹.
Ce programme a entraîné la construction des 56 réacteurs à eau sous pression dont la France est dotée aujourd’hui. Le Plan Messmer a ainsi renforcé la souveraineté énergétique de la France en en faisant le pays le plus nucléarisé au monde.
En 1980, le nucléaire doit couvrir 23% de la demande électrique. En 1985, 50%. À la fin du siècle, près de 90%.
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Comme vu précédemment, le cadre actuel de la souveraineté énergétique de la France est profondément influencé par son appartenance à l’Union Européenne, qui impose un cadre réglementaire et politique spécifique. La délégation de pouvoir aux autorités européennes en matière de politique énergétique soulève des questions importantes de souveraineté, notamment la capacité de la France à prendre des décisions indépendantes qui servent ses intérêts nationaux.
Toutefois, cette intégration offre également des possibilités de réversibilité et d’adaptation grâce à des mécanismes de coopération et de solidarité entre les États membres, essentiels dans un contexte de codépendance énergétique accrue.
La solidarité européenne en matière d’énergie est un pilier central de la stratégie pour garantir la sécurité d’approvisionnement de chaque État membre, tout en poursuivant les objectifs communs de transition énergétique.
Cette solidarité se manifeste notamment dans la mutualisation des ressources et des infrastructures énergétiques, permettant une plus grande résilience face aux crises énergétiques et contribuant à une souveraineté énergétique partagée.
Parallèlement, la réforme du marché énergétique européen apparaît comme une nécessité pour renforcer la souveraineté énergétique de la France. En décembre 2023, l’Union européenne a conclu un accord pour réformer le marché de l’électricité². Les objectifs sont multiples :
Pour consolider une stratégie durable de souveraineté énergétique, la France veut se doter d’une ambition énergétique claire et de long terme. Cette ambition doit tenir compte :
L’objectif est de construire un système énergétique résilient, capable de répondre aux besoins futurs tout en favorisant la décarbonation de l’économie. Pour y parvenir, un projet de loi relative à la souveraineté énergétique, articulant des objectifs chiffrés ambitieux pour la production d’électricité, le développement des énergies renouvelables et la réduction de la consommation énergétique, entend servir de cadre législatif renforcé.
Le projet de loi sur la souveraineté énergétique de 2024 visait à adapter la législation française aux nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de dépendance aux énergies fossiles.
Cependant, ce projet de loi a été controversé dès sa présentation, notamment en raison de sa proposition de supprimer certains objectifs existants pour les énergies renouvelables. Face à la pression des acteurs de l’industrie renouvelable, le gouvernement a révisé le projet de loi, en supprimant son premier titre qui éliminait ces objectifs. À date, les dernières déclarations politiques ne mentionnent pas de plans immédiats pour revisiter ce projet de loi.
Le développement des énergies renouvelables et du nucléaire constitue un pilier central de cette stratégie. La complémentarité du nucléaire, producteur stable et peu carboné, avec les énergies renouvelables, plus intermittentes mais essentielles à la transition énergétique, offre une voie prometteuse vers un mix énergétique diversifié et durable.
Le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique entend encourager le développement synergique de ces deux sources d’énergie, en mettant l’accent sur l’innovation et la recherche pour améliorer leur efficacité et leur intégration au réseau électrique.
L’importance de la recherche et de l’innovation dans le secteur énergétique ne saurait être sous-estimée. Les investissements dans la recherche sur le stockage de l’énergie, les nouveaux matériaux, les réacteurs nucléaires de quatrième génération, ou encore les technologies d’énergies renouvelables avancées, sont cruciaux pour surmonter les défis techniques et économiques de la transition énergétique.
Ces efforts de recherche doivent être soutenus par des politiques publiques ambitieuses et des partenariats entre le secteur public, le secteur privé et les institutions académiques, afin de placer la France à l’avant-garde de l’innovation énergétique mondiale.
La souveraineté énergétique n’est pas seulement une question de politique ou d’économie ; elle imprime également une transformation profonde sur la société dans son ensemble. Cette transformation touche aux modes de vie, à la perception de l’énergie comme bien commun, et souligne l’importance de l’éducation et de la sensibilisation pour accompagner et soutenir les changements nécessaires.
L’impact de la souveraineté énergétique sur la société se manifeste principalement à travers les enjeux de la transition énergétique. Ces enjeux impliquent une modification des habitudes de consommation, l’adoption de technologies propres et une meilleure efficacité énergétique dans tous les secteurs de la vie quotidienne.
Le passage à des modes de transport moins polluants, l’optimisation de l’isolation des logements ou encore la généralisation des pratiques de consommation durable sont des exemples concrets de ces changements. Ils représentent à la fois un défi et une opportunité de repenser notre rapport à l’énergie et à l’environnement.
L’énergie comme bien commun et vecteur d’équité sociale
Dans ce contexte, l’éducation et la sensibilisation jouent un rôle crucial comme vecteurs de changement. Informer et former les citoyens aux enjeux de la transition énergétique, aux bénéfices des énergies renouvelables et aux gestes éco-responsables permet de créer une dynamique collective favorable à l’atteinte des objectifs de souveraineté énergétique.
Les programmes éducatifs, les campagnes de sensibilisation et les initiatives locales contribuent à élever le niveau de conscience écologique et à favoriser une participation active de la société dans le processus de transition.
La participation citoyenne dans la définition du mix énergétique
La souveraineté énergétique se présente ainsi comme un projet de société, où l’énergie est envisagée comme un bien commun. Cette vision promeut une équité sociale, où l’accès à une énergie propre et abordable est garanti pour tous, réduisant les inégalités et contribuant à une meilleure qualité de vie.
La participation citoyenne dans la définition du mix énergétique est essentielle pour assurer que les choix énergétiques reflètent les valeurs et les aspirations de la communauté. Cette approche participative renforce le lien entre les citoyens et les décideurs, encourageant une gouvernance plus inclusive et démocratique de l’énergie.
L’interdépendance énergétique mondiale représente un défi majeur pour la souveraineté énergétique. Les risques associés à cette interdépendance, tels que la volatilité des prix, les tensions politiques affectant les approvisionnements, ou encore les crises énergétiques, exigent une anticipation et une préparation rigoureuses. Pour contrer ces risques, il est impératif de développer des stratégies visant une indépendance énergétique flexible.
Cela implique diversifier les sources d’énergie, renforcer les capacités de production nationale, notamment à travers le développement des énergies renouvelables et du nucléaire, et améliorer l’efficacité énergétique. Une telle indépendance flexible permettrait à la France de mieux réagir aux chocs externes et de maintenir une stabilité énergétique.
Sur le plan international, la position de la France dans le paysage énergétique mondial est un atout stratégique majeur. En tant que leader dans le secteur nucléaire et avec un engagement croissant envers les énergies renouvelables, la France a la possibilité de modeler les débats internationaux sur l’énergie et le climat.
La collaboration internationale et le partage de meilleures pratiques sont essentiels pour relever les défis communs de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique. En partageant son expertise et en s’engageant dans des projets internationaux, la France peut contribuer à l’élaboration de solutions énergétiques durables et soutenir un avenir énergétique plus stable et plus propre à l’échelle mondiale.