Le mécanisme de capacité est le fruit d’une longue gestation et représente une étape majeure dans la transformation du paysage énergétique français. Autrefois dominé par le monopole d’EDF, le système énergétique français a évolué pour s’adapter à un environnement de marché.
Mais avec l’ouverture du marché de l’électricité, une inquiétude s’est manifestée : face à une concurrence accrue et à l’absence d’incitations économiques, y aurait-il encore des acteurs prêts à investir dans des moyens de production efficaces et à équilibrer le réseau, notamment durant les périodes de forte consommation ? Cette inquiétude est renforcée par la fermeture de plusieurs centrales, uniquement opérationnelles durant les pics de consommation, du fait de leur non-rentabilité. Par ailleurs, le développement de nouvelles habitudes de consommation, notamment la généralisation du chauffage électrique et l’usage accru d’appareils électriques, a intensifié ces périodes de pics.
Le mécanisme de capacité a été instauré comme une réponse à ces défis. Son objectif principal est d’assurer la sécurité d’approvisionnement électrique en France, évitant ainsi les risques de coupures de courant lors des périodes de grand froid.
Pour comprendre la véritable essence de ce mécanisme, il est essentiel de se pencher sur les « jours de pointe » ou les jours PP1/PP2. Ces jours, déterminés par le gestionnaire de réseau de transport, RTE, sont des périodes où une forte puissance de production est nécessaire pour répondre aux besoins de consommation électrique en France. En clair, ces jours représentent les moments où le réseau électrique est le plus sollicité, notamment en raison des baisses de température.
Ainsi, au cœur du mécanisme de capacité, les garanties ou certificats de capacité jouent un rôle crucial. Ces certificats permettent aux fournisseurs et producteurs d’échanger des capacités certifiées. Ils représentent un engagement que les producteurs peuvent fournir une certaine quantité d’énergie pendant ces jours de pointe, assurant ainsi une sécurité d’approvisionnement sur le marché.
L’importance du mécanisme de capacité ne se limite pas à la sécurité de l’approvisionnement. Il témoigne également de l’évolution du marché de l’électricité français, marquant la transition d’un système centralisé à un marché ouvert, tout en veillant à ce que la sécurité et la fiabilité du réseau électrique ne soient pas compromises.
Au sein du mécanisme de capacité, les jours de pointe, désignés sous le sigle « PP1 », ont une place prépondérante. Ce sont ces jours qui illustrent le mieux les périodes où la demande en électricité est la plus importante en France. Concrètement, durant ces jours, la consommation électrique atteint des niveaux particulièrement élevés, sollicitant ainsi intensément le réseau électrique.
Les jours PP1 ne sont pas une simple formalité ou une appellation sans conséquence. Ils servent de jalon pour le marché de l’électricité, permettant aux fournisseurs d’électricité de planifier leurs besoins en énergie et de s’assurer qu’ils disposent des ressources nécessaires pour répondre à la demande de leurs clients. Sur une année, on dénombre 15 jours PP1/PP2. Plus précisément, 11 jours sur le premier trimestre et 4 sur quatrième trimestre ; ainsi que 0 à 10 jours PP2 non PP1.
Les jours de pointe ou PP1/PP2 sont des périodes où une forte puissance de production est nécessaire pour répondre aux besoins de consommation électrique en France. Ils représentent les moments où le réseau électrique est le plus sollicité.
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Il est essentiel de noter que ces jours ne sont pas uniquement caractérisés par la journée entière mais plutôt par des plages horaires spécifiques. Ces plages, [7h00 ; 15h00] et [18h00 ; 20h00], correspondent aux périodes où la demande est la plus élevée, que ce soit en raison de la montée en charge matinale s’étirant jusqu’en début d’après-midi ou de la pointe du soir.
La détermination de ces jours PP1/PP2 n’est pas laissée au hasard. C’est le travail du gestionnaire de réseau de transport d’électricité, RTE. L’expertise de RTE est essentielle pour anticiper les besoins du réseau électrique et ainsi garantir une sécurité d’approvisionnement. Mais comment exactement RTE détermine-t-il ces jours cruciaux ?
Un facteur essentiel dans la prise de décision de RTE est la météorologie. Les prévisions météorologiques, en effet, jouent un rôle déterminant. Les jours PP1 sont généralement associés à des prévisions de grand froid, des périodes pendant lesquelles la consommation électrique, notamment due au chauffage, est à son apogée.
Ce lien étroit entre météo et demande d’électricité montre combien la gestion du réseau électrique est complexe et nécessite une anticipation constante. La capacité de RTE à prévoir avec précision les jours de forte consommation garantit que le marché électrique peut fonctionner de manière efficiente et que les fournisseurs d’électricité sont prêts à répondre à la demande.
La détermination des jours PP1, ainsi que la surveillance et la gestion continues de RTE, sont donc essentielles pour le bon fonctionnement du mécanisme de capacité et la garantie d’un approvisionnement en électricité sécurisé pour tous les consommateurs.
Le mécanisme de capacité, bien que complexe, repose sur un élément fondamental : les garanties ou certificats de capacité. Ces éléments clés représentent la colonne vertébrale du système, assurant son bon fonctionnement et la sécurité de l’approvisionnement.
Une garantie ou certificat de capacité est en quelque sorte un « gage » que détient un producteur ou un fournisseur d’électricité. Il atteste que ce dernier dispose de la capacité requise pour produire ou économiser une certaine quantité d’électricité pendant les périodes de pointe, assurant ainsi la stabilité du réseau.
Ces garanties sont d’une importance cruciale pour les fournisseurs d’électricité. Ils doivent posséder un nombre suffisant de certificats de capacité pour couvrir leurs obligations pendant les périodes de forte consommation. En acquérant ces garanties, ils montrent leur engagement à répondre à la demande et, par conséquent, renforcent la confiance du marché.
Sur le marché, la valeur d’une garantie de capacité varie en fonction de l’offre et de la demande, tout comme pour n’importe quel autre produit ou service. Les fournisseurs doivent donc surveiller attentivement ces fluctuations pour optimiser leurs coûts et garantir la meilleure offre à leurs clients.
Au-delà des producteurs traditionnels d’électricité, il existe d’autres acteurs qui jouent un rôle crucial dans le mécanisme de capacité : les entreprises industrielles et tertiaires ayant la capacité d’effacement. Les acteurs qui s’engagent dans ce processus reçoivent une rémunération pour leur participation, ce qui encourage d’autres à suivre cet exemple et à contribuer à la stabilité du réseau.
L’effacement, en termes simples, est la capacité d’un professionnel à réduire volontairement sa consommation électrique pendant les périodes de forte demande. C’est une action qui contribue grandement à l’équilibre de la consommation et de la production.
L'effacement électrique permet aux grosses entreprises de contribuer également à la stabilité du réseau.
La détermination des prix des garanties de capacité se fait principalement par le biais d’enchères. Ces enchères, supervisées par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), permettent aux fournisseurs d’acheter les garanties dont ils ont besoin pour les périodes de forte tension.
L’évolution des tarifs dépend de nombreux facteurs, notamment la demande en garanties, l’offre disponible et les fluctuations du marché. Par exemple, les enchères pour l’année de livraison 2024 se sont soldées à 35 300 €/MW en novembre, contre 6 200 €/MW en décembre 2023. Notons également que le marché présente bien souvent des aberrations, par exemple les garanties de capacité 2023 ont été achetées à 60 000 €/ MW, contre 6 200 € pour les garanties de capacité 2024 lors de la dernière enchère précédant la dernière année de livraison.
En fin de compte, ces enchères et l’évolution des tarifs démontrent non seulement la valeur des garanties de capacité mais aussi la dynamique du marché de l’électricité, avec le mécanisme de capacité agissant comme un baromètre de l’offre et de la demande.
Dans le paysage énergétique, chaque fournisseur d’électricité se voit confier des responsabilités en relation avec le mécanisme de capacité. Ce système, bien qu’instauré pour garantir la sécurité de l’approvisionnement électrique en période de forte consommation, a des implications directes sur les fournisseurs. Ces obligations, enracinées dans des fondements réglementaires, influencent grandement leurs opérations et décisions.
Avec la mise en place du mécanisme de capacité, une série de régulations et de décrets ont été promulgués pour définir les responsabilités des fournisseurs. Le décret 2012/1405 du 14 décembre 2012, validé par l’arrêté ministériel du 29 novembre 2016, est l’une des pierres angulaires de cette régulation. Ce décret impose à tous les fournisseurs d’électricité, sans exception, une obligation liée au mécanisme de capacité.
Cette base réglementaire influence de manière significative le fonctionnement des fournisseurs. Ils doivent non seulement se conformer aux exigences imposées, mais aussi s’adapter à un marché en constante évolution, marqué par des périodes de forte consommation électrique et des obligations associées à la garantie de capacité.
RTE craint des incidents sur le réseau électrique en cas de vague de froid importante. Dès lors, RTE mobilise les fournisseurs au travers des obligations de capacité. Chaque acteur obligé se voit attribué une obligation à hauteur de la consommation de ses clients pendant les jours PP1, extrapolés à des températures extrêmes.
Ainsi, chaque fournisseur se voit attribuer une obligation de capacités qu’il doit couvrir par l’acquisition de ces dernières.
En résumé, le mécanisme de capacité, avec ses fondements réglementaires, impose aux fournisseurs d’électricité des obligations spécifiques. Ces obligations, gérées et surveillées par le RTE, garantissent que le réseau électrique français dispose de suffisamment de capacité de production pour répondre aux besoins en électricité du pays, en particulier lors des périodes de consommation de pointe.
Le mécanisme de capacité, bien que largement anticipatif, ne s’arrête pas après les périodes de pointe hivernales. En effet, une phase critique survient à la fin de l’hiver, où le gestionnaire de réseau, le RTE, procède à une régularisation, réévaluant les obligations des fournisseurs et ajustant leurs responsabilités en conséquence.
Après avoir traversé les périodes de pointe, RTE utilise des modèles statistiques pour ré-estimer l’obligation de capacité des fournisseurs. Cette régularisation se base sur une estimation plus précise qui prend en compte les températures réellement observées et les consommations électriques effectives.
Cela signifie qu’il n’est pas uniquement question de prévision : le RTE revient sur la période écoulée pour s’assurer que chaque fournisseur a bien respecté ses obligations.
Les résultats de cette régularisation peuvent avoir des conséquences financières pour les fournisseurs d’électricité. Si un fournisseur n’a pas suffisamment de certificats de capacité par rapport à cette ré-estimation, il est redevable de pénalités. Inversement, s’il a accumulé plus de certificats que nécessaire, il peut être indemnisé.
Pour les particuliers, il est à noter que cette régularisation ne se fait jamais à l’échelle d’un foyer. Cela signifie que, pour la grande majorité des clients (résidentiels, par exemple), il n’est pas possible d’effectuer une régularisation basée sur leur consommation réelle.
RTE joue un rôle pivot dans le mécanisme de capacité. En tant que gestionnaire de réseau, il a la responsabilité d’assurer la stabilité et la sécurité de l’approvisionnement électrique. Il calcule, pour les 4 années à venir, une obligation de capacité au niveau national. Cette obligation vise à garantir qu’en cas de grands froids, il y ait suffisamment de mégawatts disponibles pour répondre à la forte consommation sans causer de rupture dans la distribution d’électricité sur le réseau.
Outre cette responsabilité, RTE certifie les capacités de production et d’effacement, définit les conditions du mécanisme, organise des enchères et joue un rôle central dans l’interaction avec les fournisseurs d’électricité. En somme, RTE est le gardien et le régulateur du mécanisme de capacité, assurant son bon fonctionnement pour répondre aux besoins énergétiques du pays, notamment lors des périodes de pointe.
Le mécanisme de capacité, bien qu’instauré pour garantir la sécurité du réseau électrique en période de forte demande, n’est pas sans conséquences financières pour le consommateur. Chaque élément de ce mécanisme, des garanties de capacité aux enchères organisées par EPEX Spot, a des répercussions directes sur la facture d’électricité finale des consommateurs.
Comprendre ces répercussions et leur évolution au fil du temps est essentiel pour appréhender l’impact économique du mécanisme de capacité.
L’essence même du mécanisme de capacité repose sur l’achat de certificats de capacité par les fournisseurs d’électricité. Ces achats entraînent inévitablement des coûts supplémentaires, qui, depuis 2017, se répercutent sur la facture d’électricité du client final.
Le coût spécifique lié au mécanisme de capacité sur la facture du consommateur est déterminé en fonction des prix (€/kW) négociés lors des enchères du marché de capacité. Ainsi, plus les certificats obtenus par les fournisseurs sont chers, plus l’impact sur les factures sera important. Ce coût apparaît distinctement sur la facture, généralement sous l’intitulé « Mécanisme de capacité », et est proportionnel à la consommation d’électricité du client.
Les enchères du marché de capacité ont vu une fluctuation notable des prix au cours des années, influençant directement le coût répercuté sur la facture des consommateurs.
Ces augmentations ont inévitablement entraîné une hausse du coût du mécanisme de capacité répercuté sur les factures des consommateurs. En 2023, par exemple, en raison de l’augmentation des prix des enchères, les montants liés aux capacités ont été divisées par 10 par rapport à l’année précédente.
En conclusion, le mécanisme de capacité, bien qu’essentiel pour assurer la stabilité du réseau électrique, a un impact économique direct sur les consommateurs. La compréhension de cet impact et de son évolution au fil des années est cruciale pour tout consommateur soucieux de maîtriser ses dépenses énergétiques.