L’énergie hydraulique s’appuie sur un principe simple : exploiter l’énergie du cycle de l’eau pour générer de l’électricité. Depuis les moulins d’autrefois jusqu’aux barrages modernes, cette ressource naturelle est au cœur de nombreux réseaux électriques. Aujourd’hui, l’hydroélectricité représente une solution fiable pour conjuguer production massive et responsabilité environnementale.
📌5 points à retenir
L’énergie hydraulique désigne la capacité du mouvement de l’eau à générer de l’énergie utilisable. Ce phénomène naturel se produit dans les rivières, les cours d’eau, les chutes, les marées et même les vagues.
Exploitée depuis l’Antiquité pour actionner des moulins, l’eau est aujourd’hui canalisée pour produire de l’électricité de manière massive grâce aux centrales hydroélectriques. L’énergie hydraulique est considérée comme renouvelable car elle repose sur le cycle naturel de l’eau alimenté par les précipitations et les flux des rivières.
La transformation de cette énergie repose sur deux grandes étapes :
L’énergie hydraulique, par sa capacité de stockage et de modulation, joue aujourd’hui un rôle important dans les réseaux électriques modernes, en particulier dans un contexte de transition énergétique.
Un alternateur est un dispositif électromécanique capable de générer de l’électricité en faisant tourner un aimant autour de bobines de fil électrique. Ce mouvement produit un courant alternatif, utilisé pour transporter l’énergie sur de longues distances jusqu’aux lieux de consommation.
Le principe physique de base est simple : l’eau en mouvement possède une énergie dite cinétique, c’est-à-dire une énergie produite par tout corps en mouvement, proportionnelle à sa masse et à sa vitesse. Lorsqu’elle est dirigée vers une turbine, cette énergie est transférée sous forme mécanique. La turbine est reliée à un alternateur, qui transforme la rotation mécanique en courant électrique. Plus le débit et la hauteur sont importants, plus l’énergie récupérée est grande.
Les installations peuvent exploiter différents types de mouvements de l’eau :
Chaque forme d’exploitation optimise les ressources locales disponibles, en adaptant les infrastructures à la géographie et à l’hydrologie du site.
Une centrale hydroélectrique repose sur une architecture simple mais précise. Elle comprend plusieurs constituants principaux :
Une retenue d’eau
Cette retenue peut être une prise au fil de l’eau (dispositif qui prélève directement une partie du débit d’une rivière ou d’un fleuve) ou un barrage destiné à créer un réservoir. Cette retenue permet d’accumuler de l’eau et de constituer une réserve d’énergie potentielle.
Une usine hydroélectrique abritant un alternateur
Également appelée centrale, l’usine contient les turbines et les alternateurs, qui assurent la transformation de l’énergie hydraulique.
Le dimensionnement de chaque composant dépend de la hauteur de chute disponible, du débit d’eau moyen et des contraintes géographiques locales. Certaines installations disposent aussi de canaux de dérivation ou d’évacuateurs de crues pour sécuriser l’ouvrage en cas de précipitations extrêmes.
Le barrage est souvent la pièce maîtresse d’une centrale hydroélectrique. Il a pour fonction de retenir une grande quantité d’eau afin de créer une hauteur de chute suffisante. Cette chute d’eau génère une pression qui, lors du passage dans les conduites forcées, est utilisée pour actionner les turbines.
Le type de barrage construit dépend de la topographie et de la géologie du site :
Ces ouvrages doivent à la fois garantir la sécurité hydraulique et limiter les pertes d’eau afin de maximiser la production.
Les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) sont des centrales hybrides, qui assurent non seulement la production d’électricité mais aussi le stockage de l’énergie sous forme d’eau.
Leur fonctionnement repose sur deux bassins, l’un supérieur et l’autre inférieur :
Le rendement des STEP est généralement situé entre 70 % et 80 %, ce qui en fait une solution viable pour équilibrer l’offre et la demande sur les réseaux électriques.
Le rendement d’une centrale hydroélectrique mesure l’efficacité avec laquelle elle transforme l’énergie de l’eau en électricité. Par exemple, un rendement de 90 % signifie que 90 % de l’énergie contenue dans l’eau est convertie.
Les centrales au fil de l’eau utilisent directement le débit naturel des cours d’eau pour produire de l’électricité. Elles ne disposent pas de grande retenue, et leur production électrique est proportionnelle au débit du fleuve ou de la rivière.
Ces centrales sont composées d’une prise d’eau, d’un canal de dérivation ou d’une conduite forcée, et d’une usine placée à proximité immédiate du cours d’eau. Leur fonctionnement simple, adapté aux basses chutes, permet d’obtenir une électricité continue et régulière. Elles sont particulièrement sensibles aux variations saisonnières des précipitations et aux phénomènes de sécheresse.
Les centrales d’éclusée disposent d’une petite capacité de stockage d’eau, suffisante pour permettre une modulation quotidienne ou hebdomadaire de la production. Le principe consiste à accumuler de l’eau dans un réservoir de dimensions modérées, et à la turbiner lors des périodes de forte demande électrique.
Implantées souvent sur de grands fleuves comme le Rhône ou le Rhin, elles permettent une meilleure gestion des pics de consommation tout en respectant l’écoulement naturel du fleuve. Grâce à une succession de barrages et de centrales, elles offrent un rendement énergétique élevé tout en limitant l’impact sur l’environnement local.
Les centrales de lac utilisent de vastes réservoirs constitués par de grands barrages. L’eau stockée peut être exploitée sur de longues périodes, souvent plusieurs mois voire une année entière. Ce stockage massif permet une modulation importante de la production d’électricité, adaptée aux besoins saisonniers.
Ces centrales exploitent des hauteurs importantes, ce qui leur permet d’atteindre des puissances élevées avec des volumes d’eau modérés. L’usine hydroélectrique peut être située au pied du barrage ou déportée en aval, reliée par un tunnel de plusieurs kilomètres si nécessaire. Elles sont principalement installées en zones montagneuses, notamment dans les Alpes et les Pyrénées.
Les centrales de lac permettent le stockage d'une importante quantité d'eau, mobilisable en cas de besoins saisonniers.
Comme expliqué plus haut, les stations de transfert d’énergie par pompage combinent la production et le stockage d’énergie hydraulique. Elles possèdent deux bassins situés à des altitudes différentes. Lorsque la production d’électricité excède la demande, de l’eau est pompée vers le bassin supérieur. Lors des pics de consommation, cette eau est relâchée pour produire de l’électricité.
Le fonctionnement cyclique des STEP permet de stabiliser le réseau électrique, de valoriser l’excédent d’énergie renouvelable et d’améliorer la sécurité énergétique. En France, ces installations jouent un rôle majeur.
L’énergie hydraulique est une source d’électricité renouvelable qui utilise le cycle naturel de l’eau, sans consommation de combustible fossile ni émissions directes de gaz à effet de serre. Sur l’ensemble de son cycle de vie, l’hydroélectricité émet très peu de CO2, avec une empreinte carbone de 6 g CO2eq/kWh.
Ainsi, cette ressource contribue à la décarbonation du mix énergétique national. L’utilisation de barrages et de turbines permet de produire une électricité durable et propre, participant à l’atteinte des objectifs climatiques fixés par les accords internationaux.
L’hydroélectricité émet très peu de CO2, avec une empreinte carbone de 6 g par kWh.
![]()
L’énergie hydraulique se caractérise aussi par sa flexibilité. Les centrales, en particulier celles équipées de réservoirs importants, peuvent ajuster leur production en quelques minutes pour répondre aux variations de la demande électrique.
Cette capacité de modulation rapide est essentielle pour équilibrer un réseau électrique de plus en plus dominé par des énergies intermittentes comme le solaire et l’éolien. En période de forte consommation, les centrales peuvent être sollicitées immédiatement, garantissant ainsi la sécurité d’approvisionnement.
Par ailleurs, les STEP permettent aussi de stocker l’excédent d’électricité produit lors des périodes creuses et de le restituer lors des pics de consommation, ce qui contribue à la stabilité du réseau.
Même si les investissements initiaux pour la construction de barrages et d’infrastructures hydroélectriques sont élevés, l’énergie hydraulique se distingue par ses faibles coûts d’exploitation et par sa longévité. De nombreuses installations dépassent les 50 ans de fonctionnement, amortissant ainsi les coûts de construction sur plusieurs décennies.
Le coût de production de l’électricité hydraulique est compétitif, souvent inférieur à 100 euros par MWh, ce qui en fait une solution durable pour les systèmes électriques nationaux. Par ailleurs, les installations permettent de valoriser les variations des prix du marché grâce à leur capacité de stockage et de production différée.
La construction et l’exploitation de centrales hydroélectriques favorisent le développement économique des régions où elles sont implantées. Elles créent des emplois locaux dans la construction, la maintenance et la gestion des infrastructures.
De plus, les aménagements hydrauliques peuvent participer à d’autres usages du territoire :
En zones montagneuses en particulier, l’hydroélectricité constitue un levier économique majeur, combinant production d’énergie et aménagement durable du territoire.
La production d’électricité hydraulique est directement liée aux conditions hydrologiques. Une année riche en pluie peut augmenter considérablement la production, tandis qu’une période de sécheresse peut provoquer une forte baisse de rendement.
Les centrales au fil de l’eau sont particulièrement sensibles aux fluctuations saisonnières et interannuelles du débit des rivières. Même les centrales équipées de grands réservoirs peuvent être affectées par plusieurs années successives de faibles pluies, ce qui réduit les volumes turbinables et fragilise l’équilibre du réseau électrique.
L’irrégularité des précipitations due au changement climatique représente ainsi un défi important pour la stabilité de la production hydroélectrique dans les décennies à venir.
Une année humide peut augmenter considérablement la production, tandis qu’une période de sécheresse peut provoquer une forte baisse de rendement.
![]()
La construction de barrages modifie profondément les écosystèmes aquatiques et terrestres. La retenue d’eau submerge des vallées, détruit des habitats naturels et perturbe les flux sédimentaires essentiels pour l’équilibre écologique des rivières.
Le barrage peut également entraver la migration naturelle des poissons, comme les saumons, perturbant ainsi les cycles de reproduction. Pour limiter ces impacts, des dispositifs tels que les passes à poissons ou les débits réservés sont mis en place, mais ils ne compensent jamais totalement les effets sur la biodiversité.
Les modifications des températures de l’eau, de sa composition chimique et des débits en aval peuvent aussi altérer durablement les milieux naturels.
La création de grands barrages a parfois nécessité le déplacement de milliers de personnes. Des vallées entières, habitées depuis des générations, peuvent être submergées par les lacs de retenue.
Ces déplacements forcés génèrent des impacts sociaux importants : perte des terres agricoles, effondrement des communautés locales, difficulté de relocalisation et conflits liés à l’usage des ressources naturelles. Les projets hydroélectriques modernes doivent désormais intégrer des démarches de concertation préalable et des plans de compensation pour limiter ces conséquences humaines.
Même si les accidents de barrage restent extrêmement rares, leurs conséquences peuvent être catastrophiques. La rupture d’un ouvrage hydraulique peut provoquer des inondations massives en aval, causant des pertes humaines et des destructions économiques importantes.
En France, la réglementation impose une surveillance stricte des barrages. Des inspections régulières, des études de dangers et des dispositifs d’alerte sont obligatoires pour minimiser les risques.
À l’échelle mondiale, plusieurs événements tragiques, comme la rupture du barrage de Banqiao en Chine en 1975 ou celle du barrage de Malpasset en 1959, rappellent l’importance de la maintenance et de la sécurité des installations.
La France dispose d’un parc hydroélectrique dense et ancien, développé principalement au cours du XXe siècle. En 2024, la puissance installée en hydroélectricité atteignait environ 25,7 GW en métropole, ce qui représente près de 20 % de la puissance totale installée du pays.
La production hydroélectrique varie d’une année sur l’autre selon les conditions hydrologiques. En 2023, elle s’élevait à environ 58,8 TWh. Actuellement, l’hydroélectricité reste la première source d’électricité renouvelable en France, devant l’éolien et le solaire. Elle est également la deuxième source de production électrique nationale derrière le nucléaire.
L’hydroélectricité reste la première source d’électricité renouvelable en France, devant l’éolien et le solaire.
![]()
Tableau récapitulatif des chiffres clés de l’hydroélectricité en France :
Puissance hydroélectrique installée | 25,7 GW (2024) |
Part de la puissance nationale installée | Environ 20 % |
Production annuelle moyenne | 58,8 TWh (2023) |
Nombre total d’installations | Environ 2 500 en France métropolitaine |
Le parc français compte environ 2 500 installations hydroélectriques, de toutes tailles. La répartition par type de centrale est la suivante :
Géographiquement, la production est concentrée dans les régions montagneuses. À elle seule, l’Auvergne-Rhône-Alpes représente environ 45 % de la production hydraulique française. L’Occitanie et la Provence-Alpes-Côte d’Azur complètent le classement des principales régions productrices.
L’implantation des installations hydroélectriques dans ces régions est liée à leur relief montagneux marqué, qui favorise les fortes hauteurs de chute nécessaires à l’efficacité des installations.
Depuis le début du XXe siècle, l’hydroélectricité a occupé une place notable dans l’électrification du territoire français. Dans une France en pleine reconstruction, les grands barrages construits après la Seconde Guerre mondiale ont permis d’assurer l’approvisionnement énergétique national.
La nationalisation d’EDF en 1946 a structuré l’exploitation de la quasi-totalité du parc hydraulique. Actuellement, EDF exploite près de 80 % de la puissance hydroélectrique nationale. Le deuxième producteur français est la Compagnie Nationale du Rhône (CNR).
Historiquement, l’hydroélectricité a également contribué au développement industriel régional, en alimentant notamment les industries lourdes nécessitant une source d’énergie fiable et peu coûteuse.
L’énergie hydraulique représente environ 14 % du mix électrique mondial, ce qui en fait la troisième source d’énergie derrière le charbon et le gaz naturel.
La Chine est le premier producteur mondial, avec une production de 1 304 TWh en 2023, soit plus de 30 % de la production hydroélectrique mondiale. Cependant, cela représente moins de 18 % de sa propre production, compte tenu de la forte demande intérieure.
D’autres pays se distinguent par une forte dépendance à l’hydroélectricité :
L’importance de l’énergie hydraulique n’est donc pas une spécificité française, mais une constante dans de nombreux pays du monde.
Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), près de la moitié du potentiel hydroélectrique économiquement viable dans le monde reste encore inexploité. De nombreuses rivières, notamment en Asie et en Afrique, présentent des opportunités importantes pour le développement de nouvelles installations.
Une étude publiée dans Nature Water en 2023 a identifié plus de 5 000 milliards de kWh de potentiel hydroélectrique supplémentaire, ce qui correspond à 2,89 millions de rivières. L’Asie et l’Afrique concentrent la majeure partie de ce potentiel.
Le développement du potentiel de l’énergie hydraulique ne peut toutefois se faire sans porter une attention particulière aux enjeux environnementaux et sociaux. En effet, comme expliqué plus haut, cette énergie peut fortement perturber les écosystèmes et les populations.
Près de la moitié du potentiel hydroélectrique économiquement viable dans le monde reste encore inexploité.
![]()
En France, l’exploitation de l’énergie hydraulique est strictement encadrée par le Code de l’Énergie. Deux régimes juridiques coexistent selon la puissance des installations.
Pour les installations de moins de 4,5 MW, qui appartiennent souvent à des particuliers ou à des petites entreprises, c’est le régime d’autorisation qui s’applique. L’autorisation est délivrée par le préfet après évaluation des impacts environnementaux et hydrauliques.
Pour les installations de plus de 4,5 MW, c’est le régime de concession qui s’applique. Cela signifie que L’État est propriétaire des ouvrages et confie leur exploitation à un concessionnaire pour une durée déterminée, généralement longue afin de permettre l’amortissement des investissements réalisés. La concession est attribuée après appel d’offres selon des critères énergétiques, environnementaux et économiques.
La sécurité des ouvrages hydrauliques est un enjeu majeur, compte tenu des risques potentiels liés aux ruptures de barrage. En France, cette surveillance repose sur une réglementation stricte et sur des services spécialisés, comme le Pôle national de sécurité des ouvrages hydrauliques (PoNSOH).
Les barrages sont classés en trois catégories (A, B, C) en fonction de leur hauteur et de leur volume, impliquant des niveaux d’obligation croissants :
Ces mesures permettent de prévenir la majorité des risques, et de garantir une gestion responsable des infrastructures hydrauliques en service.
La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) fixe les grandes orientations nationales pour le développement de l’hydroélectricité. La PPE 2019-2028 prévoit :
Le développement de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) est également encouragé, avec un potentiel identifié d’environ 1,5 GW à mettre en service entre 2030 et 2035.